dimanche 3 mai 2009

ElectionsCom’. Une campagne new age

Les partis politiques utilisent de nouvelles techniques pour séduire l'électorat qui les boude. Spots télé, SMS, blogs, journaux de campagne… ça communique tous azimuts, c’est moderne, hype… et souvent décalé !
Sur 2M, courant de la semaine, le secrétaire général d'un parti de troisième division se présente aux citoyens : “nous sommes un parti progressiste, ni de droite, ni de gauche. Nous avons parmi nous aussi bien des ouvriers que des hommes d'affaires. Notre programme ? Trop long pour le détailler, mais j'essaierai de vous en dire quelques mots”. Suite à quoi, le vieux politicien remet ses lunettes et plonge dans ses papiers, tandis que le téléspectateur a sans doute déjà zappé. Les quelques mots que voulait glisser ce candidat tombent dans l'oreille d'un sourd à cause d'une communication d'un autre temps, qu'on dirait tout droit sortie des archives de Dat El Brihi. Mais ne jetons pas la pierre à toutes les formations politiques lancées à la conquête du Parlement. Depuis quelques jours, les électeurs ont droit aussi à quelques bonnes surprises durant la campagne électorale. Sites Internet interactifs, films institutionnels, SMS… les principaux partis politiques usent depuis peu des NTI et de la communication ciblée.
C'est ainsi qu'à l'Istiqlal, on a remisé au placard Abbas El Fassi, lui laissant les meetings traditionnels, pour mettre en avant la jeune garde des ministres du parti dans les spots télé. Le téléspectateur a ainsi pu voir Adil Douiri et Karim Ghellab parlant du chômage, debout, avec une gestuelle à la Al Gore. Ils sont jeunes, ils présentent bien, c'est de l'or en barre pour vendre les idées de l'Istiqlal. Cependant, le parti de la balance se défend d'avoir fait un quelconque casting. On préfère parler d'action gouvernementale à défendre : “Nous avons fait appel à eux car ils sont ministres en exercice et que nous avons, avant tout, un bilan à défendre”, disent les Istiqlaliens. Certes, mais à une nuance de taille que relèvent, telle une évidence, beaucoup de spécialistes de la communication : “Aujourd'hui, un parti politique ne vaut plus uniquement par ses idées, mais aussi par l'image qu'il véhicule. Nous passons de l'ère de l'idéologie à celle de l'imageologie”, analyse Younès Bellatif, patron de Convergences conseils, agence spécialisée dans le coaching des dirigeants.
Télé : plus c'est court, plus c'est efficaceC'est clairement à la télé, média de masse par excellence, que le changement est le plus perceptible. Les spots diffusés par les partis politiques sont réalisés par des agences de communication et utilisent la technique du micro-trottoir. Les thèmes cernés sont ceux mis en relief par le dernier sondage de 2007 Daba d'où il ressort qu'une campagne électorale efficace doit parler du chômage et de la pauvreté. Message entendu 5 sur 5 par le PPS avec son film institutionnel “Exprime-toi”, un court-métrage réalisé par Younes Reggab, sur une BO de H-Kayne. Les témoignages des citoyens s'y veulent édifiants. Extraits : “Je vis dans la saleté, se lamente une bidonvilloise. Ici, les garçons commencent à se droguer à 16 ans parce qu'ils n'ont pas de boulot, pas d'avenir”. “Je sais que je ne trouverai pas de travail car je n'ai pas de piston”, renchérit un jeune.
“Les partis politiques jouent la carte de la vérité parce qu'ils savent que le citoyen ne croit plus aux discours politiques”, analyse encore Younes Bellatif. Cela dit, même si le langage a changé au sein des grands partis, ce n'est pas encore le cas chez les petits poucets de la politique. Question de moyens, sans doute. Ainsi, un film institutionnel nécessite pas moins de 200 000 dirhams. Une formation comme le PSU n'a pas pu s'offrir ce luxe. Sur recommandation de 2007 Daba, le parti a certes fait appel aux services d'une agence casablancaise pour préparer ses spots télé et les interventions des ses cadres. Mais il a laissé tomber le projet à la dernière minute quand il a découvert le devis : 390 000 DH. Com' nouvelle ou pas, le nerf de la guerre électorale ne change pas. Il faut de l’argent.
Les NTI appelées au secours“ça bouge à la télé”, pour reprendre la célèbre formule des années 80. Et ça s'agite furieusement sur le Net, car les coûts y sont dérisoires. La majeure partie de la campagne du PPS se fait via Internet, un projet clé en main confié à l'agence Back Office. Sa mission: élaborer et mettre à jour le contenu du site www.pps-maroc.com et ses trois composantes : blogs, forum et le site de la campagne. Résultat : plus de 3500 visites par jour et 135 adhésions en un mois.
Les internautes viennent chatter avec les membres du bureau politique qui tiennent des blogs. Ces derniers y font parfois des révélations, à l'instar de Nouzha Sqalli. Elle a expliqué dans un “post” que son éviction de la liste nationale a été fomentée par un lobby au sein du parti. D'autres se la jouent à l'américaine, à l'image de l'ex-journaliste Anouar Zyne. Ce dernier, candidat de l'Union Constitutionnelle à Hay Hassani, à Casablanca, fait sa promo essentiellement sur le web grâce à des clips où il explique son programme en darija. Son objectif déclaré : contrer l'islamiste Saâdeddine
El Othmani. Même le Mouvement populaire, parti à l'image plutôt rurale, s'est mis aux NTI. “Nous sommes fiers de notre base rurale, mais nous aspirons également à plus de modernité”, explique ainsi Mohamed Ouzzine, directeur de la campagne du MP. Ce parti s'est notamment bâti une base de données de 100 000 électeurs potentiels, avec leurs numéros de portable, afin de les informer via sms sur le programme de la formation et le déroulement de la campagne.
C'est sûr, ça fait plus moderne qu'une zerda traditionnelle et une visite au souk du coin. Mais ne nous leurrons pas, le tract reste un classique indémodable. Le bon vieux papier est le vrai fer de lance de la campagne électorale. Mais là aussi, le lifting a bien eu lieu. Les partis accordent plus d'importance au traitement de l'image et aux choix des couleurs de leurs affiches, banderoles, bâches imprimées en numérique, sérigraphie, flyers, dépliants… Deux formations ont carrément sorti des journaux de campagne, le PJD (30 000 exemplaires tirés trois fois par semaine) et le RNI (25 000 exemplaires par jour). Dans cette foire à l'écrit, les partis du gouvernement ont un même objectif : défendre leur bilan. C'est même une première à l'USFP, dont les brochures des candidats reprennent les réalisations du gouvernement sortant, où le parti est représenté en force avec sept ministres. Mais l'Oscar de la proximité revient au PPS. Afin de séduire les jeunes, la formation d'Ismaïl Alaoui est la seule à avoir concocté des dépliants en darija, “le langage de la vérité”, selon les termes du jeune Youssef Blal, jeune cadre du parti et fils d'une figure emblématique des anciens communistes : Aziz Blal.

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Partis-Agences de com’. Un mariage de cœur ou de raison ?

“Le volontariat et la débrouillardise dont faisaient montre les militants cèdent la place à l'expertise. Mais en même temps, les partis n'ont pas lâché les modes de gestion de la communication basés sur le flair, la formation sur le tas et l'expérience de terrain”, explique Driss Aïssaoui, directeur de l'agence A2Z Communication, qui pilote la campagne de l'USFP. En effet, les nouveaux outils de communication n'ont pas remplacé le bon vieux porte-à-porte, les sorties des mosquées, des hammams et les tournées dans les lieux publics. “Il faut d'abord que chaque domicile soit au courant. Ensuite, nous sélectionnons les foyers satellites qui peuvent diffuser notre message”, explique Najib Akesbi, numéro 2 de la liste du PSU à Rabat-Océan. Même les formations ayant fait appel à des spécialistes ne leur ont pas délégué toute leur communication. “Il y a un phénomène de distanciation nécessaire et d'appropriation de la culture interne propre à chaque formation politique, qui n’est pas toujours aisé à assimiler de part et d'autre dans ce processus de rapprochement agence/parti politique”, ajoute Aïssaoui. Alors, pour servir un parti, une agence doit-elle être sympathisante? Oui, à en croire l'agence Back Office, dont la fibre socialiste l'a poussée à choisir le PPS comme client.

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